Contrairement à ce que le titre « Your Favorite Enemies » pourrait laisser croire, il ne s’agit pas d’une boutade, mais du titre d’un groupe de musiciens.
Je me suis entretenue avec Marjolène Millien, qui fait office de relation publique du groupe. Relationniste de presse chez Hopeful Tragedy Records plus précisément. Elle s’investie à temps plein dans son rôle, ces gens là on une grande chance, ce n’est pas tous les artistes qui peuvent se prévaloir d’un tel professionnalisme alentour d’eux.
Bref, voyant à quel point elle suivait son dossier, cela a fini par me convaincre de m’intéresser de plus près à ce groupe de rock alternatif.
Si vous voyez ma play list actuelle, celle qui m’accompagnent dans tous mes déplacements, vous constateriez combien mes goûts ont évolués, son devenus plus éclectiques, laissant place de temps en temps à des mélodies plus … moins … enfin bref, par exemple, j’en ai converti plus d’un à la musique du groupe de Rock/Metal Sud Africain « Seether », c’est tout dire. Remettre en ordre ses sens, parfois ça fait du bien, croyez moi.
Peux-tu nous présenter les membres du groupe?
Voici une photo prise au Nevermind à Barcelone, lors d’une tournée européenne du groupe, un peu plus tôt en début d’année. Sur la photo, vous trouverez de gauche à droite : Jeff Beaulieu (guitare), Charles “Moose” Allicie (batterie), Alex Foster (voix), Sef (guitare), Miss Isabel (claviers), Ben Lemelin (basse)
Your Favorite Enemies est l’alliage de 6 musiciens entièrement distincts des uns les autres, formant ainsi un tout explosif et unique en son genre. L’union de textes imagés et la voix riche en émotions d’Alex Foster au chant, aux guitares stridentes et poignantes de Sef, puis aux sons harmonieux que Miss Isabel ajoute aux claviers, donne un son unique au groupe. C’est sans compter les rythmes déchainés que Jeff Beaulieu ajoute à la guitare, ceux-ci juxtaposés à la surcharge d’énergie de Charles “Moose” Allicie au drum et aux lignes de basse soigneusement travaillées par Ben Lemelin, on peut ainsi dire que Your Favorite Enemies est le genre de groupe qui ne laisse personne indifférent, de par son entité frayant sa place sur la scène noise-rock et punk, d’où proviennent les racines du groupe, ayant été influencés par des groupes tels que Sonic Youth, The Pixies, Fugazi et The Cure, depuis ses tout débuts en 2006.
Début du questionnaire à l’attention des membres du groupe Your Favorite Enemies.
1- Quel est votre parcours musical à chacun?
Je dirais que notre parcours musical est quand même différent pour chacun mais il y a une chose que nous avons tous en commun, c’est que pour nous, la musique représentait un cri du cœur et une façon d’exprimer le plus profond de nos êtres, quand souvent les mots pouvaient manquer. Nous avons tous été autodidactes à l’exception de Moose qui a été au collège et à l’université en musique, ce qui nous permet d’avoir un point d’ancrage quand notre folie et notre passion nous amène trop loin.
2- D’où vient l’origine du nom du groupe?
Your Favorite Enemies est venu d’Alex, quand il faisait référence à tout ce qui peut nous habiter à l’intérieur; que ce soit l’insécurité, le contrôle ou toute forme de combat intérieur qui est souvent difficile à lâcher prise ou que l’on croit qui nous défini.
3- Dans quel genre peut-on vous « classer », rock? alternatif? pop/rock? autre?
Il est difficile de nous classer dans un genre précis car autant nous sommes un groupe de noise rock alternatif avec des influences de shoegaze plus mélodieuses, autant nous pouvons être une formation acoustique folk. Nous aimons réaliser les projets que nous avons à cœur et non seulement nous laisser définir par un style.
4- Quelles ont été vos influences musicales et artistiques?
Alex a grandi dans le noise rock et le punk comme Sex Pistols, Sonic Youth, Nick Cave et a toujours été un grand fan de The Cure. Sef et Ben ont plus un arrière plan métal avec Metallica, Iron Maiden, Testament et Dark Tranquillity. Jeff est un grand amoureux de Pink Floyd et aime également le punk rock et le ska. Pour Moose, Pearl Jam et Red Hot Chili Peppers furent de grandes influences. Miss Isabel a un parcours un peu différent du nôtre car elle a grandi avec de la musique gospel et a toujours aimé la musique avec de l’âme.
5- Quels sont les instruments de musique que vous affectionnez?
Étant une formation de noise rock, nous affectionnons beaucoup les guitares électriques ainsi que les pédales à effets de guitares. Sef, le guitariste, a tellement beaucoup de ces effets que nous disons à la blague qu’il amène son vaisseau spatial aux concerts, en plus de prendre la moitié de l’espace sur scène avec tout son équipement. Au fil du temps, nous avons appris à utiliser ces pédales comme d’autres instruments, pour amener les couleurs et les émotions que nous recherchions.
6- Quels sont ceux que vous utilisez régulièrement?
Étant de grands passionnés de musique, nous avons une bonne collection de guitares partant de classiques comme les Fender, Gibson, Rickenbacker, Gretsch et également plusieurs guitares boutiques de renom comme Duesenberg ainsi que celles d’un artisan de guitares faites sur mesure, Scott Walker de Californie, qui s’est basé sur la même fondation que les guitares de Jerry Garcia des Grateful Dead pour leur sorties stéréo, où chaque pickup est indépendant. Pour Sef, je dirais qu’il aime particulièrement les Fender Jazzmaster et Jaguar et tout ce qui est perçant et Jeff lui aime énormément la richesse des Duesenberg. Comme basses, nous aimons bien les classiques comme les basses Fender Precision et Jazzbass, mais nous avons également 2 basses 6 cordes dont une de la lutherie spécialisée MF à Montréal. Moose joue sur un Drum Mapex et Miss Isabel aime énormément Nord Stage pour sa versatilité.
7. Préférez-vous jouer en studio ou devant public en spectacle?
Je dirais que ce sont 2 expériences complètement différentes pour nous, autant donner naissance à un album est quelque chose de très profond et nous permet de creuser encore plus profond dans l’âme et de découvrir des terrains inconnus, autant performer nos chansons en live est un privilège de partager avec les gens et de les laisser faire de notre musique la leur. Ce que nous aimons particulièrement du live c’est la magie en lien avec le fait que n’importe quoi peut survenir à n’importe quel moment, comme nous laissons une grande place à l’improvisation, en croyant toujours que chaque soir est différent et l’esprit de la soirée dépend de la communion que nous aurons avec les gens.
8. La qualité d’enregistrement fait-elle partie de vos préoccupations?
Il est officiel que nous sommes très rigoureux sur la qualité de nos enregistrements car cela s’avère un facteur très déterminant pour l’expérience vécue avec l’album et ce, même pour ceux qui ne sont pas nécessairement audiophiles. Pour nous, ce n’est pas une question de savoir si tout est vraiment hi-fi et parfait, mais bien plus que les moments capturés arrivent à transmettre les émotions que nous voulons véhiculer.
9. Êtes-vous attentifs à la qualité du mastering, vous personnellement?
Oui. Aujourd’hui, beaucoup d’albums sont tellement maximisés ou compressés que les dynamiques sont pratiquement inexistantes, ce qui rend certains projets sans vie et sans couleur. Ça nous est arrivé par le passé d’avoir à refaire faire un master car on entendait beaucoup trop l’effet « pump » du limiteur. On porte une attention particulière au mastering car c’est à cette étape que tout devient encore plus vivant et puissant.
10. À qui faites-vous confiance pour les prises de son?
Pour nous, la prise de son est comme la musique; il y a certains standards et règles mais des fois la créativité nous amène à briser ces règles et à expérimenter. Ce n’est pas tant une question de savoir si les micros sont au bon endroit, mais plutôt est-ce que ce qu’ils produisent va dans la direction de la chanson et de l’ambiance. Le bassiste et le sonorisateur du groupe expérimentent beaucoup, en s’assurant que le tout est toujours bien en phase.
11. Quel matériel utilisez-vous?
Nous travaillons sur Protools HD10 avec 6 cartes accel dans un chassis d’expansion. Nous avons une panoplie de micros vintage dont 2 U47 fet, U87, U47 à Tube, des Royer 121 et des Coles à Ruban, plusieurs micros condensateurs dont les Neumann km 184, Akg 414 et plusieurs autres dynamiques également. Nous possédons des preamp de toutes sortes en passant par Shadow Hill, Api, Brent Averill, Avedis, SSL (XLogic avec 2 Gbuss, 2 modules dynamiques et 2 preamp), Chandler, A-Designs, Apogee et autres. Nous avons un compresseur Retro Sta-level et un Dragon de Slate Pro Audio ainsi qu’un module Eventide pour les effets. Nous avons une grande sélection d’amplis de guitares et basses dont Orange, Vox, Savage, Duesenberg, Fender Vintage, David-Eden, Ampeg et beaucoup de pédales de guitares de plusieurs boutiques comme Mad Professor, Mid-Fi, Catalinbread, Homebrew, Strymon, Durham Electronics, Carl Martin.
12. Les acheteurs de CD se plaignent souvent de la piètre qualité des enregistrements, qu’en pensez-vous?
Je les comprends. Aujourd’hui, dans le rock surtout, les instruments sont devenus un peu stériles, les drums ne sont plus vivants à cause de beaucoup de « drum replacement » ou « trigger ». On dirait qu’on recherche beaucoup la perfection sonore mais on oublie rapidement que ce qui rendait les albums si magiques et invitants, c’était leur authenticité et comment ils arrivaient dans les enregistrements, à capturer des moments qui demeuraient gravés dans nos coeurs. Maintenant, beaucoup d’albums sont génériques et la facture sonore est identique d’un groupe à l’autre. Il y a par contre certains artistes qui se distinguent encore mais il faut les chercher un peu plus qu’avant.
13. Quel est votre public?
Ce qui est extraordinaire avec le groupe c’est que notre public est de tous les âges et de tous les styles. Étant donné nos valeurs familiales et notre désir de connecter avec les gens, il arrive souvent que certains jeunes deviennent fans du groupe ainsi que leurs parents. Notre public se situe dans toutes les tranches d’âge et est composé de gens qui ont le désir de partager quelque chose de vrai.
14. C’est votre premier album?
À vrai dire, c’est notre premier album distribué en magasin, mais nous avons fait beaucoup de projets depuis 2007 dont 1Ep, 2 albums et 2 dvd live.
15. Écoutez-vous de la musique autre que la vôtre? Si oui, lesquelles?
Oui, nous avons tous des arrière-plans musicaux très différents mais il y a beaucoup de bands que nous aimons et avons en commun comme Sonic Youth, Pearl Jam, The Cure, Nick Cave, Placebo, Savages, Fugazi et beaucoup de groupes des années 90. Nous aimons beaucoup ce qui est fait avec passion et authenticité, peu importe le style.
16. Comment voyez-vous le marché du disque sur CD?
C’est un marché au sujet duquel il est vrai de dire qu’il a beaucoup diminué, mais il reste toujours les gens qui vont accorder de la valeur aux copies physiques. La musique est maintenant tellement accessible, les gens savent encore plus ce qu’ils veulent. De toute évidence, il y a moins de risques pris dans le fait de se procurer un album sur la foi d’une chanson qu’on a aimé. Il est à l’artiste d’offrir quelque chose de substantiel, issu d’une véritable démarche artistique, laissant ainsi une porte ouverte à faire ce voyage pour découvrir non seulement l’œuvre qui est en l’occurrence l’album mais l’artiste qui a donné vie à cette musique et à tout ce qui entoure l’identité artistique de l’album (pochette, livret, etc.) C’est plus qu’acheter un album, ce que tu achètes c’est l’artiste. Ce dont je parle là est bien au-delà d’une consommation rapide mais d’un moment. Et je crois que ça, ça va toujours rester!
17. Que pensez-vous de la musique en téléchargement?
Pour nous, ce qui est important c’est que les gens écoutent notre musique et puissent vivre ce voyage avec nous. Que ce soit en mp3 ou sur CD, le format importe peu. Le téléchargement a ses bons côtés comme ses mauvais. D’une part, cela a rendu la musique encore beaucoup plus accessible et c’est une bonne chose, mais cela a également contribué à saturer le marché et détruire l’aspect magique de l’album, favorisant la vente de « tracks » plutôt que l’oeuvre.
18. Comment peut-on acheter votre musique?
Notre musique est disponible dans les HMV et les Archambault du Canada, ainsi que sur iTunes.
19. Seriez-vous tentés de faire une version vinyle de votre musique?
Nous avons déjà un vinyle qui s’intitule « Sacred Kind Of Whispers » et qui est un voyage avec des pièces acoustiques et des poèmes, dont 1 exclusif à ce projet. Alex, le chanteur du groupe, est un passionné de vinyles et en a une collection impressionnante, donc il était impensable de ne pas avoir notre propre disque et de partager ce moment avec les gens.
20. Quels sont vos projets de scènes? Une tournée au Canada peut-être?
Dernièrement, la porte du Canada s’est vraiment ouverte pour nous et nous avons eu une grande couverture médiatique qui a amené beaucoup de gens à nous découvrir. Nous sommes vraiment excités à l’idée de tourner ici car nous sommes très fiers de nos racines et avons le goût de vivre ce rêve avec nos frères et soeurs du Québec et du Canada.
21. Quels sont les rêves qu’il vous reste à réaliser?
Les rêves c’est quelque chose qui se renouvèle de jour en jour, et qui continue toujours de croitre, si on y croit de coeur. Si on m’avait dit, il y a quelques années, que je possèderais une église convertie en studio et que notre musique nous aurait amené aux quatre coins du monde, je n’y aurais surement pas cru. Nous laissons nos coeurs nous guider et n’aspirons pas seulement à la destination mais plutôt au parcours et à tous les gens merveilleux que l’on découvre et avec qui nous avons la chance de partager.
22. Nous vous offrons la possibilité de vous adresser à nos lecteurs, quel message souhaitez-vous leur passer?
De ne pas avoir peur d’aller au bout de leurs rêves et de rester authentiques à ce qu’ils ont dans le coeur. Trop souvent nous essayons de nous modeler d’une certaine façon pour avoir l’approbation des gens ou de la société quand ce qui est de plus beau en nous est ce qui se cache dans le fond de nos coeurs. À nous de le laisser vivre et fleurir.
Voici le lien vers le plus récent clip du groupe pour la chanson “I Just Want You To Know”, filmé au HLNA Skatepark, situé sur le toit d’un gratte-ciel en plein coeur de Tokyo (Skygarden), et en Australie, lors d’une tournée du groupe, l’année dernière.
Et finalement, voici le lien vers la page web du site de Your Favorite Enemies introduisant le tout nouvel album du groupe “Between Illness And Migration”, disponible depuis le 20 mai dernier et acclamé partout au pays, celui-ci s’étant hissé dans les palmarès des ventes au Canada, et ce durant plusieurs semaines suivant sa sortie.
Petit bonus, pour celles et ceux qui ne le savaient pas, le week-end dernier, le groupe était invité à participer à un festival à Taiwan (Ho Hai Yan). Leur concert était diffusé en direct sur les ondes de la télévision nationale, ainsi que sur YouTube.
Conclusion
Je ne sais pas vous, mais à la lecture seule de cette entrevue, j’ai déjà hâte d’aller voir sur scène Your Favorite Enemies. C’est l’une des rares fois où les réponses à mes questions sont argumentées si clairement, qu’elles ne laissent place à aucune autre alternative. Ces gens là sont intelligents, sensibles et certainement bourré de talent.
J’aime l’idée de cette synergie, leur style musical provient de toutes sortes d’influences, d’autres avant eux ont ouvert une brèche, ce joyeux mélange a donné ce que ça a donné, à vous de juger.
La relève est déjà en marche… tant mieux, je commençais à désespérer 🙂
Cette entrevue est dédiée à la mémoire de Johnny Winter, célèbre guitariste et chanteur de blues américain qui est mort le 16 juillet 2014 dans sa chambre d’hôtel à Zurich en Suisse. Il devait traverser le Canada pour une grande tournée, ses pas devaient le conduire notamment à ouvrir le Festival de Blues de Victoriaville. Une légende nous quitte, un de plus… R.I.P.
La pensée du moment
Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. [Confucius].
Cet article a été rédigé par Marc PHILIP, rédacteur indépendant, tous droits réservés, copyright 2014, les textes et photos sont la propriété de l’auteur et du magazine.
Bon divertissement.