Si comme moi, vous avez des interrogations au sujet de la musique dématérialisée et quel DAC utiliser, je pense que ce qui suit va vous donner une bonne idée de la direction à prendre.
Je me suis entretenu avec Eric Juaneda pour ce qui concerne l’aspect de la lecture numérique/analogique ou ce que l’on appelle plus communément l’utilisation d’un DAC (Digital Audio Converter), puisque ce dernier a développé un appareil disponible soit en Kit soit assemblé, il s’agit du Jundac Two, convertisseur 24 bits haut de gamme non-suréchantillonné, il m’est apparût évident de l’interroger sur la question.
En ces temps de dématérialisation de la musique, il est de bon ton de se pencher plus en avant sur ce qu’offre les manufacturiers dans le domaine.
Chacun d’entre eux a bien évidemment son approche, ses propres règles, sa philosophie, j’ai donc demandé à Eric, qui est lui aussi dans la course au DAC de s’exprimer en nous offrant sa vision technique et celle du marché.
Bonjour Eric, quelle est ta définition d’un DAC digne de ce nom?
Comme tout appareil audio, c’est un élément que l’on à plaisir à écouter jouer de la musique.
Quels ont été tes objectifs en réalisant ton propre DAC?
Avant d’attaquer le premier prototype, j’ai travaillé sur l’écoute comparative de différents filtres numériques.
J’avais la chance de disposer de produits hors norme tel que Wadia ou Audiosynthesis.
Le concept du DAC non suréchantillonné à été proposé par Ryohei Kusunoki en 1996 dans son article Kusunoki.
Non-oversampling Digital filter-less DAC Concept.
En écoutant entre les notes, je pressentais un grand potentiel sonore dans cette approche épurée.
Restait à savoir si le gain en qualité serait partiel ou complet.
La question du filtrage numérique (NOS ou pas NOS) ne se pose que pour des DAC de très haut niveau.
Pour des DAC d’entrée ou de moyen de gamme, il y a plus d’une centaines de points à travailler qui sont bien plus importants que le choix de l’algorithme numérique.
Les objectifs de la conception ont été multiples :
a) Concevoir un DAC non-suréchantillonné de très haut niveau.?
On trouve dans les réalisations personnelles nombre de NOS DAC, mais la plupart sont réalisés à moindre coût.
a) Concevoir un DAC de très haut de gamme qui puisse être vendu à un prix attractif.
Le prix de vente demeure trois à dix fois inférieur à la concurrence.
c) Concevoir un appareil fait pour durer.
Dans 20 ans le produit doit encore fonctionner et donner pleinement satisfaction à son propriétaire.
Face aux productions genre dCS, tu te situes où?
La philosophie dCS est très intéressante, toutes les solutions non conventionnelles permettent de progresser dans la compréhension du numérique.
Il y a de nombreux point communs dans les deux approches : l’épuration du filtre numérique, la possibilité d’utiliser une horloge externe, étage analogique en technologie discrète, chassis traité anti-vibration.
Le point fort du dCS est son convertisseur en technologie discrète.
Le Jundac Two offre une alimentation des étages analogiques plus généreuse, une gestion des vibrations plus approfondie, et intègre une « Green Earth ».
La documentation technique dCS est très orientée spec, chiffres, technologie, celle du Jundac Two est très orienté écoute, naturel, humain.
Pourquoi ne pas avoir équipé ton DAC d’une prise USB ?
J’ai beaucoup travaillé sur l’entrée USB.
Le dernier prototype en était équipé.
Les qualités n’étant pas à la hauteur des exigences et probablement pas en adéquation faces aux attentes des clients, j’ai préféré la supprimer.
La pérennité de l’USB en tant que format de transport audio haute définition est loin d’être assurée.
Le standard HDMI prévoit de façon native le transport de la vidéo haute et basse définition, des formats audio stéréo et multi canaux en 44.1kHz, 96kHz, 192kHz et SACD.?
Les offres seront plus matures dans quelques années.
En attendant, on peut utiliser des adaptateurs USB/SPDIF qui pour moins de 100 Euro permettent de relier un ordinateur à un convertisseur (DAC)
L’avenir est il à la musique dématérialisée d’après toi?
La musique dématérialisée est un marché qui n’existait pas il y a quelques années, il ne peut que se développer et grignoter des parts de marché de plus en plus importantes.
Il y a plusieurs types de musique dématérialisée :
a) Le MP3 que je qualifierais de musique jetable, écoutée par les jeunes sur les téléphones portables, lecteur MP3, en voiture, en musique de fond comme on écoute un tuner ou utilisé pour animer des soirées dansantes.
b) La musique haute définition dans laquelle je classe le 44.1kHz, 96kHz et 192kHz voire au delà.
Celle ci est destinée à des amateurs éclairés et sa gestion est informatisée.
L’utilisation d’un ordinateur (sous toutes ses formes) demeure fort complexe: constants changements ou évolutions, problèmes de compatibilité, temps de téléchargement longs, sauvegardes, encombrement, bruit de ventilation, fiabilité.
Pour bon nombre d’utilisateurs, l’expérience informatique prendra fin après la panne du disque dur et la perte de tous les morceaux achetés et non sauvegardés.
L’utilisation d’un support dématérialisé se heurte encore à certains points :
– Madame sera-t’elle en mesure d’utiliser votre informatique audio,
– Les disques qui vous intéressent sont-ils disponibles en dématérialisé,
– Offririez-vous en cadeau une musique dématérialisée,
– Quelle est la côte occasion d’un album dématérialisé.
Quid de cette montée en puissance de la résolution ?
Le gros des ventes demeure actuellement le CD, le MP3 et le vinyle.
La disponibilité des albums en haute définition est encore très réduite (SACD ou 24bit).
Du 16/44.1 au 24/352kHz, qu’entendons-nous en réalité ?
Voila une question qui mérite développement.
« Achèteriez vous un DAC 24 bits qui fonctionne moins bien qu’un DAC 16 bits? »
A cette évidente question, vous répondriez non ! Et pourtant… le marché prouve le contraire.
Pour prétendre restituer 24 bits, il faut déjà parfaitement restituer les 16 premiers bits.
Technologiquement parlant, restituer un niveau de qualité de 16 bits (96db) est déjà un exploit.
Restituer un niveau de qualité de 24 bits (144db de résolution) excède le niveau technologique actuellement possible.
Un bon microphone de studio affiche 120/130db de dynamique (ce qui est exceptionnel) et un rapport signal sur bruit de 81db ! La seule source 24 bits est le synthétiseur !
L’exploitation de 24 bits de données est réservé à du haut ou très haut de gamme.
Un DAC d’entrée de gamme ou moyen de gamme, même utilisé en 24bits/192kHz, sonnera moins bien qu’un DAC haut de gamme utilisé en 16bit/44.1kHz.
Le DAC 24 bits bon marché est un mythe !
Un constructeur qui proposerait aujourd’hui un nouveau DAC 16bits aurait bien du mal à le vendre, quelqu’en soit sa qualité.
L’argument commercial 24bits/192kHz est une nécessité.
Ce n’est pas parce qu’un composant accepte 24 bits en entrée qu’il est capable de les restituer en sortie.
Le format 24/352.8kHz est intéressant pour les studios d’enregistrement.
352.8kHz est un multiple de 44.1kHz (8×44.1) et du codage DSD (SACD). Il permet donc une retranscription sur support physique sans le passage par un filtre numérique élaboré.
Ce qui n’est pas le cas du 96kHz ou 192kHz qui ne sont pas des multiples de 44.1kHz.
Toutefois, sont utilisation sera pour un certain temps cantonnée à quelques studios d’enregistrement élitistes.
La liaison ordinateur-DAC en 352.8kHz se faisant sous un format propriétaire.?
La plupart des studios d’enregistrement sont équipés en 24bits/96kHz.
Qu’attendre du passage à 24bits/192kHz?
Le résultat dépendra étroitement du type de DAC que vous utilisez.
Pour un convertisseur suréchantillonné classique, quand vous augmentez la fréquence d’échantillonnage vous réduisez l’effet pervers du filtre numérique.
Vous progressez vers un son plus doux, plus naturel, moins « brouillardeux ».
Le convertisseur non-suréchantillonné bénéficie déjà de tous ces avantages dès 44.1kHz.
À 192kHZ, la différence entre convertisseur sur échantillonné ou non sur-échantillonné est infiniment mince.
L’augmentation du nombre de bit ou de la fréquence d’échantillonnage donne plus de douceur et de naturel à la musique avec des ambiances plus marquées.
Etonnamment, que vous augmentiez individuellement l’un ou l’autre des paramètres (nombre de bits ou fréquence d’échantillonnage), vous obtenez sensiblement les mêmes résultats.
Beaucoup attendent le Graal de ces formats HD.
Ils risquent d’être fort déçus. Le gain qualitatif est faible.
Pour donner un exemple, le fait de changer de câble (analogique ou numérique) ou de remplacer son meuble hi-fi peut donner des améliorations conséquentes.
Passer de 16/44.1kHz à 24/192kHz donnera une amélioration beaucoup plus modeste.
On peut en conclure que le plus gros du travail est fait entre zéro et 16/44.1kHz, le reste n’apporte qu’un peu plus de finesse.
Si vous souhaitez révolutionner votre système, changez de DAC et/ou de source, ce sera plus efficace.
Si « cost is no object » quel serait le DAC idéal ?
Heureusement « cost is always object ».
Cela évite de tomber dans les excès 🙂
Plutôt que d’envisager le DAC idéal, c’est la chaine de traitement idéale qui est à envisager.
Je suis surpris que malgré nos connaissances sur le sujet nous mettions majoritairement en place que des demi-solutions.
La chaine idéale est celle adoptée dans les studios d’enregistrement, une seule horloge pour tout le système.
L’horloge se situe au plus près du DAC et la source (CD, Serveur…) est rythmée par cette horloge.
C’est simple, économique, ça existe déjà, mais pourquoi si peu mis en pratique !
Ça coûte si cher que ça à réaliser un DAC ?
Le DAC est le maillon audio le plus compliqué à concevoir.
Il gère des données numériques qu’il doit traiter avec une très grande précision et des données analogiques qui atteignent les limites du techniquement possible.
En plus, les étages ne doivent pas se perturber les uns les autres.
Trente ans après son introduction dans le domaine grand public (1980) le numérique n’a pas encore livré tous ses secrets !
Est ce que n’importe qui peut acheter ton DAC en kit et se le monter ou il y a des restrictions liées aux compétences ?
Je déconseille aux débutants en électronique d’acheter le kit, il est préférable d’avoir de l’expérience pour se lancer dans l’aventure.
Si tout le monde est apte à assembler un DAC de qualité, il restera encore beaucoup de travail pour atteindre la qualité d’un produit très haut de gamme.
Le Jundac Two dans son boîtier intègre de nombreuses recettes maison.
La partie électronique représente la moitié de la qualité sonore du convertisseur.
Une fois la plaque circuit imprimé acquise, vous disposez du moteur, à vous de concevoir la carrosserie qui va transformer votre véhicule en Ferrari.
DAC non suréchantillonné, filtré ou non filtré ?
Certains amateurs prônent l’utilisation d’un convertisseur non suréchantillonné et non filtré. (Le Jundac Two est non suréchantillonné mais filtré).
Laissez-moi vous faire part de mon expérience à ce sujet :
Quand j’ai branché pour la première fois le prototype d’un Jundac non suréchantillonné, non filtré, je m’attendais découvrir la sonorité des mythiques premiers lecteurs CD réputés particulièrement agressifs.
Quelle ne fut pas ma surprise en découvrant un son particulièrement doux, naturel, exempt de toute trace numérique.
Cependant au bout de trois heures d’écoute j’ai ressenti une intense fatigue sonore.
Comme si l’on m’enfonçait des aiguilles dans les tympans.
L’oreille n’entend pas les harmoniques de fréquence élevées mais elle les perçoit.
Le second jour j’ai pu écouter une heure, le troisième, j’ai coupé avant la fin du premier morceau tant la sensation était insupportable.
Heureusement le filtre analogique de sortie permet de supprimer ces effets désagréables.
Peux tu nous donner quelques exemples de points importants dont nous devrions avoir connaissance ?
Ces points sont hors de portée du consommateur, ils concernent le concepteur.
En voici quelques uns :
– La qualité de l’étage analogique de sortie,
– La qualité des alimentations analogiques,
– Le découplage des alimentations et des étages,
– Le cheminement des courants de masse,
– Le point de fonctionnement des transistors,
– La qualité des composants discrets, intégrés, passifs,
– La qualité du composant utilisé pour la conversion (convertisseur numérique/analogique),
– Limiter le bruit dans les alimentations numériques,
– Assurer le bon découplage des circuits numériques,
– Limiter les réflexions dans la transmission des signaux numériques inter étages,
– La topologie (l’implantation des composants),
– La qualité des schémas électroniques retenus,
– La gestion des vibrations,
– L’évacuation des résidus 50Hz, 60Hz,
– homogénéité sonore des solutions retenues,
– ….
Se pencher sur les photos de l’intérieur d’un appareil en dit plus long que toute litanie technique.
C’est pour cette raison que certains se gardent bien de le montrer !
La pérennité de l’USB en tant que format de transport audio haute définition est loin d’être assurée. Pourquoi ?
Le développement des cartes USB gérant le haut débit reste à l’initiative de quelques constructeurs.
Chacun développant son propre driver, sa solution plus ou moins propriétaire.
C’est la même chose avec le IEEE1394. On ne peut pas parler de norme.
La transmission HDMI prévoit déjà tout et même plus. Elle n’est pas très répandue dans le domaine de l’audio et reste pour l’instant hors de portée à des petits constructeurs du fait de devoir faire l’acquisition d’une licence logicielle onéreuse.
Le HDMI est une norme signée par de nombreux constructeurs, il est probable que des fabricants de composants planchent sur les circuits de demain.
Que dis tu à celles et ceux qui disent qu’il vaut mieux un lecteur intégré haut de gamme qu’un DAC externe sur un drive ?
Le CD intégré ou Drive + DAC externe c’est le pendant de l’ampli intégré ou ampli-préampli séparé. A partir d’un certain niveau de qualité il devient intéressant de les séparer pour des problèmes de places et d’interactions défavorables. La liaison numérique du drive vers le DAC demeure un point critique.
J’expérimente le serveur musical … va s’en suivre les essais avec les différents DAC et peut être serais je obligé de modifier ma plateforme informatique et passer à un disque dur SSD?
C’est effectivement un composant intéressant pour un serveur musical.
Cependant il persiste encore de nombreux points à voir avant d’égaler le silence (électrique, électromagnétique, ionique et mécanique…) d’un lecteur CD.
Le PC tel qu’on le construit aujourd’hui est un environnement particulièrement bruyant : microprocesseur et chipset travaillant à des fréquences élevées, présence de plusieurs quartz, alim à découpage, ventilateur…
Tous ces points sont un handicap lourd à la génération d’une horloge propre.
A moins d’utiliser une architecture radicalement différente qui s’apparente à celle utilisée dans les studios d’enregistrement. Elle consiste à avoir une horloge indépendante et unique pour tout le système.
Pour cela il faut pouvoir disposer d’un convertisseur avec une entrée d’horloge comme le Jundac Two par exemple et d’une carte son avec entrée d’horloge. L’horloge est placée au plus près du convertisseur afin de minimiser le jitter.
Beaucoup attendent le Graal des formats HD. Et toi ?
On peut attendre beaucoup de quelques chose que l’on a pas encore.
C’est différent quand on l’a déjà sous la main.
La HD c’est une évolution, pas une révolution.
Une évolution qui a son prix et ses contraintes. Elle ne remet pas en cause le problème de base. La technique de prise de son analogique (microphone) et numérique est bien plus importante.
Un bon enregistrement même sur CD supplante un enregistrement moyen en HD.
Le matériel et les qualités de l’ingénieur du son valent plus que le restant de la chaine de reproduction sonore, c’est la source de notre source.
Information et contact manufacturier
Manager : Eric Juaneda
Site web perso : http://tech.juaneda.com
Page web professionnelle : http://www.junilabs.com
Cet article a été rédigé par Marc PHILIP, rédacteur indépendant, tous droits réservés, copyright 2010, les textes et photos sont la propriété de l’auteur et du magazine.
Bonne journée et bonnes écoutes.
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