À la rencontre de Catherine Major

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Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Vous avez sans doute entendu parler de Catherine Major, ne serait ce que par quelques unes de ses chansons qui passent de temps en temps à la radio.

Il se trouve que j’ai eu l’occasion de la voir de près sur la scène du Pavillon Arthabaska à Victoriaville (Québec) le 7 février dernier.

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Seule au piano dans la semi pénombre, rien de bien révolutionnaire me rirez vous, sauf que cela nous a permis de faire plus ample connaissance, de noter quelques postures atypiques, ponctué de ses anecdotes liées à chaque pièce musicale, de la voir se tortiller, se contorsionner sur son banc, voir son beau regard franc plonger dans les yeux du public, de comprendre qui est véritablement cette artiste et pourquoi elle est ce qu’elle est en définitive.

Cette forme d’intimité en public est une expérience toujours aussi enrichissante. Je suppose qu’inconsciemment, c’est ce que nous venons puiser quand nous allons au spectacle dans une salle de petite ou moyenne taille. Une forme de proximité avec l’artiste, j’avais déjà eu ce sentiment avec Jorane, sur la même scène.

Vu que j’étais justement en pleine écoute de son album « Le désert des solitudes » dans le but d’en faire une chronique, j’ai eu l’idée de donner la parole à Catherine directement, afin de coller un peu plus à sa réalité, son univers musical. J’aimerais en cet instant vous inviter à lancer la lecture de ce disque; vous en apprécierez encore plus l’essence et … le sens.

Je suis sûr que la plupart d’entres vous avez catalogué Catherine un peu trop rapidement… selon les commentaires entendus ici et là, j’ai trouvé certains avis un peu court sur pattes; cette artiste a du talent, il s’agit juste de prendre le temps d’écouter ce qu’elle a à nous dire au lieu de sauter trop vite à la conclusion.

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Après avoir écouté longuement sa musique, car évidemment il faut en passer par là pour en parler, j’en viens à la conclusion que son style se situe entre Barbara et Maurane.

Francophone, elle partage selon moi les deux « genres » même si elle n’a pas le physique de Maurane, loin de là, elle possède en revanche beaucoup de similitude sur sa façon de retenir son souffle et certaines inflexions de la voix. Quant à Barbara, la physionomie est assez proche, mais il s’agit plus de son côté lyrique, sombre et poétique qui retiens mon attention.

Cette jeune femme donne au travers de ses textes et ses mélodies, le sentiment d’une sensibilité à fleur de peau, d’une certaine fragilité, mais sous cette fluide apparence se cache une âme sensible certes, mais douée d’une intelligence et d’une force de caractère trempées. Cette personnalité à la gestuelle acrobatique, est à découvrir. Son album « Le désert des solitudes » est mon coup de cœur de la semaine.

Catherine Major sur son album "Le désert des solitudes" depuis l'interface du player Audirvana Plus
Catherine Major sur son album « Le désert des solitudes » depuis l’interface du player Audirvana Plus

Je vous invite dans l’univers de Catherine Major, la fille au regard perçant.
Catherine peux tu te présenter en quelques mots?
Oufff… La question qui tue. Difficile: Heu…. quelques mots: Gourmande, impatiente, la larme facile, le rire jamais loin, aimante, amoureuse, stressée, productive, perfectionniste, exigeante… Trop exigeante.

Quel est ton parcourt musical?
Musique classique (piano) à l’école Vincent D’Indy dès l’âge de 4 ans. Parcours classique incluant théorie, solfège, harmonie, chorale, etc… De l’âge de 4 ans à l’âge de 22 ans, jusqu’à un Baccalauréat en musique, toujours.

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Dans quel genre peut on te « classer »?
J’ai beaucoup de mal avec cette question, ce n’est pas la première fois qu’on me la pose. Genre… Je sais pas trop. À vous de me dire.

Quelles ont été tes influences musicales et artistiques?
Toutes sortes. Classiques, bien entendu… Mais aussi beaucoup de musique d’ailleurs, comme la musique brésilienne qui, quand j’avais 14 ans, était bien peu à la mode ici… Un des frères de mon père en ramenait du Brésil, et ça me fascinait. Ensuite la musique cubaine… Dès que je l’écoute, j’ai vraiment le sentiment d’être née là-bas. Je ne comprends toujours pas pourquoi. Et puis… Le jazz, sous plusieurs de ses formes, mais aussi les grands chefs d’oeuvres orchestraux dans la musique de film.

La chanson? Aussi, mais pas autant que toutes les autres formes musicales. Je l’écoute surtout depuis que j’en fais moi-même, pour me tenir informée et parce que certaines fois j’ai des véritables coups de foudre pour des artistes.
Sur l’album « Le désert des solitudes », je suis attiré inéluctablement par la pièce « Amadeus », qu’elle est l’origine de cette chanson?
Ma mère a d’abord écrit le texte. Elle s’est inspirée d’une histoire de peine d’amour douloureuse que ma petite soeur a vécu. Dans le genre « premier amour ». Ma mère a voulu que chaque mois de l’année y soit cité. Ce qui fait que les 12 mois de l’année sont dans le texte.

Chacun dans un couplet. 12 couplets. Un refrain. Ma mère pensait que je serais obligée de couper un mois ou deux afin d’en faire la musique… Le texte est effectivement long… Mais comment couper un mois? Je ne pouvais couper dans un tel texte. Alors j’ai travaillé un bout pour trouver la mélodie et le mood qui ferait cadrer tous les mots qu’elle avait écrit.

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Quoique « Tape dans ton dos » est cool aussi … j’adore ce que tu fais.
Merci… 😉 Je l’ai un peu expliquée dans mon show celle là… Une mélodie terminée à moitié qui a traîné longtemps dans ma tête… ET qui a fini par prendre forme avec mes mots…

Mais certains mots manquants ont réellement été terminés avec ceux de mon homme, Moran, qui a complété le texte.
Quels sont les instruments de musique que tu affectionnes?
Je ne parlerai pas du piano… Bien entendu. C’est le plus grandiose. Le plus complet. Le plus riche, selon moi.

Mais j’adore beaucoup d’instruments… Si je pouvais tous les jouer… Je serais la plus heureuse. Y a quelque chose à exprimer avec chacun d’eux… Et de très différent.
Mes coups de coeur: la contrebasse, le cor anglais, l’alto, le oud.
Quels sont ceux que tu utilise régulièrement?
À part le piano… aucun régulièrement!

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Préfères tu jouer en studio ou devant public en spectacle?
Devant des gens toujours… En spectacle donc.
Mais en studio y a l’excitation de graver pour toujours quelque chose.
La qualité d’enregistrement fait elle parti de tes préoccupations?
Bien sûr… Pourquoi pas puisqu’on a la technologie aujourd’hui pour que ça sonne bien… Ce serait paresseux que de négliger cet aspect.

Es tu attentive à la qualité du mastering, toi personnellement?
J’assiste à toutes les étapes de mes albums. C’est important… Et oui, mon oreille est très sensible au mix et au mastering. Je sais ce que j’aime… Et surtout ce que je n’aime pas. Je sais aussi comment l’exprimer. Mais je n’ai pas les connaissances pour manipuler les machines moi-même.

À qui fais tu confiance pour les prises de son?
Beaucoup d’ingénieurs, de studio ou de « live » sont extras au Québec. Y a beaucoup de talents. J’en connais plusieurs… Avec lesquels j’ai travaillé, et d’autres avec lesquels je compte le faire.

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Les acheteurs de CD se plaignent souvent de la piètre qualité des enregistrements, qu’en penses tu?
Je pense que ça dépend des disques… Mais que quoi qu’il en soit… La qualité des disques réside avant tout dans l’oeuvre qui y est présentée… C’est à dire les chansons elles-mêmes. De bonnes chansons enregistrées avec un iphone valent mieux que des chansons moyennes réalisées avec un gros budget. La matière… Le texte, la musique… La voix, l’interprétation aussi…. Ça c’est la vrai patente. Après si le son est merveilleux… C’est parfait!

Quel est ton public?
Varié. Jeune, vieux, moyen… J’aime pas étiqueter un public. Je pense que tous les âges peuvent aimer tous les styles… Chaque être humain a sa propre histoire, ses propres besoins, ses propres goûts… Il est certain que mon public cependant n’a pas peur des émotions, peu importe son âge. N’a pas peur de se creuser un peu le coeur et la cervelle en entendant un texte ou une musique. C’est pas tout cuit, ce que je fais. Je préfère les aliments crus anyway.

Ecoutes tu de la musique autre que la tienne, si oui, lesquelles?
Je n’écoute jamais ma musique!! À part quand je travaille dessus et avant de la laisser partir sur un CD gravé pour l’éternité 😉
J’écoute des milliers de choses. Ce matin, tiens… Je faisais écouter à mes filles « le Lac des cygnes » de Tchaikovsky.

Hier soir j’écoutais Ibrahim Malouf, et hier midi Lhasa… C’est donc très varié.

Comment vois tu le marché du disque sur CD?
Comme quelque chose qui me fait un peu peur. Pas que le CD matériel soit d’une grande importance pour moi… Mais le fait que les consommateurs de musique perçoivent la musique comme étant « gratuite », ça ça me fout les « boules ».

Notre métier, aux compositeurs et artistes, est effectivement un des plus beaux métiers du monde… Mais on ne l’exercera plus si on ne peut pas nourrir nos enfants, ne serait-ce qu’un minimum… Je sais bien que la passion est grande, mais reste qu’il faut être réaliste.

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Que penses tu de la musique en téléchargement?
Bien quand on paye. J’en télécharge moi-même en payant pour. Je n’ai jamais téléchargé gratuitement, à part lorsque c’était voulu de la part de l’artiste.

Serais tu tenté de faire une version vinyl de ta musique?
Pas pour le moment… Je trouve ce « retour » vers le vinyl un peu étrange… Alors qu’on est à l’ère où tout devient plus léger, plus ergonomique, plus rapide… Oui écouter nos vieux disques Vinyls… Mais en fabriquer en 2014? Ça ne m’intéresse pas vraiment.

As tu des projets de scènes?
Beaucoup.
Quels sont les rêves qu’il te reste à réaliser?
Beaucoup aussi. Trop pour les expliquer 😉

Quel message souhaites-tu passer à nos lecteurs?
De ne jamais hésiter à découvrir…. Que ce soit du théâtre, de la musique, du cinéma… de la littérature… De toujours s’offrir une découverte, de s’en faire un devoir. Je pense que c’est important pour notre santé mentale en tant qu’être humain sur cette planète étrange au 21ème siècle.

Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.
Catherine Major au Pavillon Arthabaska de Victoriaville.

Conclusion

Il ressort de ses textes, tout comme dans la musique, quoique plus côté musique, une forme de fil conducteur. C’est assez évident quant on prend le temps d’écouter sans interruption.

La cadence est lente, chaloupée, la note vient chercher un mot qui souvent est plus profond qu’il n’y paraît. J’irais presque à dire que cela reflète un état tourmenté, même si elle parles souvent d’amour, le fond est plus sombre que le dessus qui lui est exposé à la lumière.

Je suis très touché, j’ai le sentiment de comprendre avec une étonnante proximité ce que ces textes veulent dire. Je dois être moi aussi un être complexe, plus torturé qu’il n’y paraît, un humain quoi.

Catherine n’a pas su véritablement se positionner dans un genre particulier, alors j’irais jusqu’à dire qu’il s’agit de chansons à textes, aux accents pop-jazz. Catherine est une personne très cérébrale, donc quand elle appuie sur un mot, croyez moi, la force qu’elle imprime à ce mot est étonnamment puissant, en particulier quand elle décide de se lever et de marteler de ses petits doigts le clavier du piano; rien à voir avec son apparence gracile.

Tout à fait le prolongement de ce que faisait Barbara et Jean Ferrat, ce que fait encore Maurane, mais avec une toute autre personnalité, la sienne, bien entendu. Tout a un sens, rien n’est laissé au hasard de la parole au geste.

Son dernier disque « Le désert des solitudes » est le parfait reflet de la personnalité complexe de l’artiste. Catherine nous convie à cheminer, entrer dans son monde fait de sentiments humains plus ou moins exacerbés, amour, joie, tristesse, tiraillement, famille. Souvent à fleur de peau, on est capable de sentir le poids des mots, leur portée. Sombre, oui parfois, plus souvent que joyeux, c’est un fait, mais très poétique.

Le fait d’évoquer ce qui se trame dans la vraie Vie d’un individu, proche de l’autobiographie, apporte selon moi une touche plus humaine à ses textes et mélodies. On aime ou pas, mais chose certaine, au moins deux pièces musicales ne cessent de trotter dans ma tête depuis que je les ai écouté. L’excellent album « Le désert des solitudes » n’attend que vous pour savoir quelle pièce musicale va vous rester en tête.


La pensée du moment

Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. — Confucius

Cet article a été rédigé par Marc PHILIP, rédacteur indépendant, tous droits réservés, copyright 2014, les textes et photos sont la propriété de l’auteur et du magazine.
Bon divertissement.

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